A l’occasion de la journée mondiale des emojis ce 17 juillet, découvrez quel est leur impact dans notre façon de communiquer, avec le Docteur Daniel Desmedt, chef du service psychiatrie des Hôpitaux Iris Sud.
“Souvenez-vous, il n’y a pas si longtemps, à l’aube de ce siècle ou un peu avant, l’apparition des téléphones portables… Les communications étaient hors de prix, les minutes et les euros défilaient en une cascade indomptable. Heureusement, il y avait les textos : il suffisait d’appuyer deux trois fois sur une touche pour voir apparaître une lettre, puis un mot, puis une phrase… probablement pas deux : le format était limité, et même les pouces les plus entraînés fatiguaient. On s’en sortait avec une orthographe nouvelle et créative, où les lettres devenaient des sons ou des codes, seulement intelligibles par les ados qui trouvaient enfin la liberté de communiquer sans entrave.
Mais, malgré la créativité et l’imagination, les textos restaient une communication pauvre et relativement froide. Comment transmettre l’émotion, le coup de cœur, le désir, avec un alignement de caractères d’imprimerie et de sigles ? On était très loin de la lettre d’amour légèrement parfumée, et qui portait la trace d’une larme maladroitement essuyée, chère aux romantiques du dix-neuvième siècle. On n’avait pas la calligraphie de l’être désiré, qui le rendait plus unique encore. La froideur de l’écran ignorait l’intonation d'une voix, le souffle, le murmure, l’éclat de rire ou le soupir plein de promesses.
Que faire ? Il y avait bien sûr les émoticônes, dont l’invention remonte à 1963. Mais même si l’assemblage de quelques signes typographiques bien choisis permettait l’expression de quelques émotions, l’exercice restait acrobatique et un peu froid. Et puis, en 1997 apparurent les premiers émojis.
Enfin, la couleur, la forme, la surprise donnaient du corps aux petits messages. L’émotion surgissait, le sous-entendu devenait possible. Les émojis permettaient de créer une signature personnelle, condensaient quelque chose de nos désirs, de nos goûts, de notre sensibilité. L’écriture prenait une nouvelle forme et parlait de notre humeur, de nos appartenances, de nos singularités. L’inattendu était au coin du clavier, et avec lui, la présence de l’autre, la rencontre entre deux personnes.
Un nouveau langage s’inventait et vivait d’un message à l’autre.”
Daniel Desmedt
17 juillet 2023